Si je devais partir

trio

J’ai l’esprit de lionne développé. Parmi mes inquiétudes quotidiennes, il y a celle de protéger mes petits tout en les laissant s’envoler, un petit coup d’aile à la fois… et celle beaucoup moins jolie de ne pas être là demain. De tomber gravement malade. D’avoir un accident. De laisser trois merveilleux êtres sans maman.

Sans en faire une épée de damoclès, je constate que c’est une préoccupation répandue chez l’espèce parents.

« Il ne faut surtout pas qu’il ne m’arrive rien. »

« Ils ont tant besoin de moi. »

Je dis souvent à mes enfants à la blague: « Ta mère, elle est folle! ». Et si ça devait arriver pour vrai?

Si je devais partir demain, le mois prochain ou l’année qui suit, te souviendras-tu de moi, mon enfant?

Te rappelleras-tu du vert de mes yeux, de la douceur de mes mains? Des chatouilles dans ton dos?

Auras-tu oublié les câlins matinaux? Ceux plus longs à ton retour de l’école ou de la garderie? Sais-tu que je m’étais ennuyée de toi?

Auras-tu compris tout l’amour qui se cachait derrière mes gros yeux? Te souviendras-tu plus de nos réconciliations que de mes envolées lyriques à la Vérozilla?

Demanderas-tu les plats que je te préparais? Les biscuits du père Noël, les tartes au sucre, les pâtes ou mon fameux pâté chinois? Les crêpes! Toutes ces montagnes de crêpes que j’ai préparées, bébé dans les bras, cernes aux yeux, café froid sur le comptoir? Arriveras-tu à les savourer autant? Avec cassonade et sirop bien sûr!

Te souviendras-tu d’avoir rit à en avoir mal au ventre? De ces moments où je fais le ninja ou le robot, que je parle chinois ou que je fais les pires singeries seulement pour les éclats de rires devenus mon bonheur? Des soirées musique ou je dansais debout sur les chaises?

Penseras-tu aux incalculables « maman » que tu as dits? À ces instants où j’en étais un peu exaspérée? Auras-tu compris que ça restait le plus beau nom qu’on m’ait donné?

Entenderas-tu encore mes « je t’aime » quand tu iras te coucher? Sentiras-tu encore les millions de baisers que je t’ai donnés?

Auras-tu vu mes forces et mes faiblesses? Seras-tu capable de t’en inspirer?

Te promèneras-tu dans les bois en pensant à nos découvertes? Aux coccinelles qu’on a observées, aux bouts de bois qu’on a transportés, aux arbres qu’on a admirés, aux lacs qui nous ont apaisés? À ces promenades en traîneau dans la cours, aux forts qu’on a construits, aux glissades qu’on a escaladées?

Te souviendras-tu des tours de vélo ou de poussette? Des promenades en voiture avec un lait au chocolat bien mérité? Mangeras-tu une guimauve sur le feu en pensant à moi?

Apprendras-tu les mêmes trucs à tes enfants pour s’habiller? Leur inventeras-tu des chansons? Parlerez-vous de moi tous les trois? Aurai-je laissé assez d’empreinte sur vos petits coeurs?

Regarderas-tu les milliers de photos que j’ai prises? Te feront-elles plus rire que pleurer?

Si je devais partir, est-ce que je serais encore là?

Trouveras-tu une maman d’adoption assez aimante pour te conduire à l’école? Pour aller aux rencontres de bulletin? Pour t’encourager à la piscine ou sur tes patins? Pour t’aider à choisir ta robe de mariée? Pour t’aider à te coiffer à ton bal? À ce moment précis-là, auras-tu une petite pensée pour moi?

Caresseras-tu les cheveux de tes enfants comme je le faisais pour toi? Les berceras-tu pendant des heures quand ils feront de la fièvre? Te souviendras-tu de nos Noël? Des décorations que je prenais plaisir à installer? De tes déguisements d’Halloween? Est-ce que j’aurai été assez bonne pour que tu t’inspires de tout ça?

Si je devais partir, me garderais-tu avec toi? À travers les fruits et légumes que je m’efforçais de te faire manger? De la crème que j’ai mise sur ta petite peau irritée? Des bulles dans le bain?

Si je devais partir, auras-tu reçu assez d’amour pour t’épanouir? Pour devenir l’adulte fort et déterminé que je vois en toi? Pour choisir une vie remplie d’amour et de passion?

Si je devais partir, auras-tu compris que jamais je ne vous quitterai?

Xavier, Rémi, Alice. Si je devais partir, parlez-moi. Faites les mêmes jeux, et pourquoi pas les mêmes crises tiens! Continuez d’aimer la vie et les gens. Ne m’oubliez pas, mais surtout ne vous oubliez pas. Continuez de grandir, de sourire. Jouez dans la neige comme avant. Regardez vos films préférés en préparant du popcorn. N’oubliez pas les mots doux et combien j’étais fière de vous, mais foncez dans cette vie qui est la vôtre.

Si je devais partir, je ne vous abandonnerai pas. Je prendrai votre main quand vous en aurez besoin. Une maman, c’est toujours là. Je m’arrangerai pour souffler vos bobos et vous tendre les bras. Je trouverai toujours le chemin des étoiles vers votre coeur. Parce que le mien est rempli à jamais de cet amour pour vous.

Si je devais partir, prenez soin les uns des autres. Aimez-vous. Restez unis, toujours. Aimez papa de toutes vos forces. Quand vous vous regarderez dans le miroir, voyez ce que je vois tous les jours et soyez-en fiers.

Si je devais partir, je manquerai tant de choses… mais au moins j’aurai eu le temps d’écrire un peu pour vous. Lisez-moi et je vivrai encore mon rôle de maman, le plus beau que j’ai eu, celui pour lequel je veux rester en santé et en vie aussi longtemps que je le pourrai. Celui pour lequel je m’efforce de vivre chaque jour comme si c’était le dernier. Si je devais partir, ce ne sera pas sans m’être battu de toutes mes forces! Sans avoir vécu une vie heureuse, remplie d’amour, de vous, de moi, de mon mari, de nous.