Ce matin, 3 décembre 2014, on a appris la mort de Jean Béliveau. Hockeyeur d’exception, homme de grande classe. Il avait 83 ans.
Ma sonnerie trop festive retentit. C’est ma mère.
-“As-tu eu mon message hier?”
-“Non, je l’ai pas vu.” Inquiète par le ton de sa voix, s’en suit tout de suite: “Qu’est-ce qu’il y a?” Bien sûr, je sais ce qu’il y a.
-“J’ai eu des nouvelles de ton grand-père. Il va pas bien, il est à l’hôpital.”
Gilles Soucy, mon grand-père. Un père exceptionnel, un grand-père aimé, un pilier. Il a 84 ans.
Ça fait un an qu’il se bat contre un cancer. Pas vraiment pour lui survivre, juste pour avoir quelques beaux moments avant de partir. Surtout, même s’il ne l’a jamais dit, je pense qu’il voulait nous laisser du temps pour nous préparer… Un an plus tard, il est épuisé, fatigué, lourd. Ses organes ont commencé à le lâcher. La fin s’en vient, j’imagine.
On dira à qui veut bien l’entendre que c’est la vie. On dira que bien d’autres sont morts avant lui. On dira que, finalement, il a eu une belle vie. Et puis, de quoi nous souviendrons-nous? L’avons-nous écouté? Qu’est-ce qu’on dira à nos enfants de cette génération qui s’en va?
Ce sont les visages des bâtisseurs du Québec qui s’effacent tranquillement. Ces hommes qui ont tout construit de leurs mains, qui, avec courage et force, ont défriché le Québec au sens propre comme au figuré. Ces femmes aussi qui ont littéralement peuplé le Québec, qui ont sacrifié leur corps et leur jeunesse au nom d’une nation et d’une religion qui ne redonnait pas souvent ses richesses.
Au-delà des exploits plus retentissants des Béliveau de ce monde, que retient-on de cette génération “tranquille”? Qui se souviendra de ces enfants devenus grands trop tôt? De ces pères et ces mères qui ont tout donné alors qu’ils n’avaient rien? De ces grands-parents qui nous invitaient avec une table trop garnie? Qui se souviendra de leurs danses enjouées, de leur musique qualifiée folklorique?
Oserons-nous parler de leur misère? Celle-là même qui nous a fait grandir, qui nous a amené vers des vies plus faciles. Celle-là même qui leur apporte un sourire aux lèvres et des yeux attendris quand on se plaint de notre vie trop remplie.
C’est une génération discrète, mais forte. C’est une génération au rôle immense dans toutes nos familles. Ils sont fiers de ce qu’ils ont accompli, particulièrement de cette famille qu’ils ont bâtie. Et si on leur disait qu’on est fier aussi? Et si on leur disait tous un immense merci? Et si on les regardait avec le sourire aux lèvres et le regard attendrit nous aussi?
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