Au cas où tu lirais ça dans 10 ans, c’est l’ère Covid-19 en ce moment. Tsé, la fois où on a été en confinement pendant des semaines (ce sera peut-être des mois, on en sait trop rien encore)? La fois où les écoles étaient fermées, où matante Ginette n’a pas pu s’acheter une autre paire de souliers parce que les centres d’achat étaient morts ou que Raymond n’a pas eu son meeting hebdomadaire avec ses amis bikers au Tim Hortons du coin…
Moi, en ce moment, je t’avoue que je le prendrais en deux secondes mon souper d’amoureux au resto! En fait, chaque jour, je valse entre l’envie folle de foutre mes enfants dehors et de barrer toutes les portes à jamais et celle de dormir collé tout le monde dans le salon parce que je réalise à quel point je les aime! Je devrais sans doute m’inquiéter pour ma santé mentale aux allures de bipolarité, mais je préfère nettement la thérapie par écrit!
Outre les poignées d’amour que j’engraisse avec soin et les cris de mouettes des enfants que j’ai peine à tolérer, y’a des bons moments aussi. Comme faire du spinning deux fois semaine avec mon mari (je pourrais y voir un désir de sa part de me faire dégraisser, mais je préfère croire qu’on aime simplement suer à deux), ou apprendre un nouveau mot d’anglais aux enfants chaque soir au souper.
Avouons que nos enfants n’ont jamais autant joué dehors que maintenant que leur droit de sortie est limité! Je ne les ai jamais vus aussi intéressés par les oiseaux qui sont en période de nidification, jamais ils ne s’étaient inventé une bascule avant ce fameux printemps 2020! Jamais ils n’ont autant apprécié jouer à la tague ou faire un tour de vélo.
À vrai dire, je trouvais ça triste. J’avais même honte, parfois. Je les regardais, ces enfants que j’avais bercés et chéris et je me demandais souvent pourquoi le monde avait autant changé. Un monde édulcoré, ou le selfie retouché, filtré, léché et instagrammé était devenu la voie à suivre. Je m’ennuyais des faces pleines de boue de mon enfance, des heures à jouer dans le champ en face et d’entrer dans les maisons en construction. Je me demandais bien où étaient passés les jujubes à cinq sous qu’on allait chercher en vélo et qui semblaient être un vrai trésor dans leur sac de papier brun.
Disons-le, les adultes n’avaient pas meilleure réputation! Zombies sur leur cellulaire (quoique ça, c’est pas le virus qui va tant nous aider!), plus occupés par la prochaine promotion que par voir leurs enfants grandir. Ou encore à passer des heures dans des gyms pour apprendre à bouger et mieux manger à coups de pots de pilules, alors que la nature a tout ce qu’il faut pour nous tenir en santé!
Et Covid s’est assuré de nous rafraîchir la mémoire! Les épiceries sont fermées le dimanche, on passe pas notre temps à s’acheter des bébelles dont on n’a pas besoin. On a recommencé à cuire du bon pain maison, à faire une soupe pleine d’amour, à téléphoner à nos proches plutôt que de se texter entre deux likes sur Facebook. On a compris ce que ça veut dire le mot “gratitude” en pensant aux travailleurs de la santé dévoués et aux milliers de “commis” qui servent avec le sourire malgré le fait qu’ils aimeraient peut-être, eux aussi, apprendre un nouveau mot d’anglais à leurs enfants…
On était souvent sans saveur. Une gélatine transparente qui gonfle tout mais qui goûte rien. On gonfle l’hypothèque, le char, la piscine, l’école privée. On gonfle nos lèvres, nos pattes d’oie, nos cartes de crédit. Une vie entière gonflée d’apparences. Une grosse balloune vide.
Maintenant qu’elle a éclatée, vas-tu refaire la même chose? De quoi vas-tu remplir ta vie après Covid? Avons-nous enfin retrouvée notre humanité?
Je rêve de jardins à profusion. De voisins qui connaissent leurs noms. D’enfants qui jouent à la corde à sauter ou qui construisent des cabanes dans les arbres. Je rêve d’une terre en santé et abondante. Je rêve d’un meilleur équilibre entre le verbe être et le verbe avoir.
Nous avons finalement compris la valeur des vrais contacts humains, la chaleur d’un câlin, le bonheur d’un rire partagé, l’importance de la famille et des amis. La joie de rendre visite à grand-maman dans son centre et de l’entendre raconter ses souvenirs…
Il ne faut pas retourner comme avant. Faisons mieux. Faisons plus vrai.