La troisième bédaine

moi discours

Ces temps-ci, je suis un peu brûlée comme on dit en bonne Québécoise que je suis. On me dira que, dans ma condition (enceinte de 7 mois), il faut que je me repose. Comment dire… se reposer, enceinte de bébé 3, c’est comme demander à la Terre d’arrêter de tourner. Impossible.

À bébé un, notre bédaine devient le centre de l’Univers. À bébé deux, on trouve que ça passe vite. À bébé trois, on oublie qu’il y a un bébé trois. Oui, parce que, être enceinte une troisième fois, c’est:

Faire de la compote de pommes à 9 h le soir (qu’ils décideront de ne pas manger…) et des tableaux de récompense à 11 h pour s’habiller en moins de 40 minutes le lendemain.

Demander à belle-maman de garder les enfants un vendredi soir pour se reposer… et se retrouver avec une gastro à ramasser le lendemain, plus une nuit blanche du benjamin congestionné le surlendemain. Comment on dit ça déjà? FAIL.

L’accumulation des rendez-vous. Rendez-vous de routine de grossesse, rendez-vous d’orthophonie, rendez-vous d’urgence, de coiffeuse, de dentiste, aller-retour à la prématernelle, à la garderie, au travail, à la pharmacie, au cours de piscine, à la maison… Il n’y a jamais de fin.

Se réveiller la nuit. À répétition. Se réveiller pour aller aux toilettes, parce que le plus vieux crie dans ses rêves, le deuxième a perdu sa suce, l’un est congestionné, l’autre a soif, la petite dans la bédaine fait de la boxe, le mari prend trop de place, j’ai chaud, j’ai chauuuud!!!

Être partout et nulle part en même temps. C’est être là sans être disponible. C’est manquer des soirées entre filles, annuler des soupers, oublier de répondre à des messages. C’est perdre non plus la moitié de son cerveau, mais au moins le trois quarts. Peut-être un sept huitièmes serait plus réaliste…

Préparer la chambre de bébé tout en pensant aux bottes d’hiver de l’un, à la tuque de l’autre, à la paire de pantalons trop petite à remplacer, aux bas déchirés, aux bobettes qui rapetissent, à la mitaine oubliée. Ah! Et aux vêtements propres qui s’accumulent sur le divan du sous-sol sans qu’on ait le temps de les plier.

Gérer des crises. Tout le monde, TOUT-LE-MON-DE dans la famille réagit à la venue d’un autre membre à sa façon. Crise de larmes, d’impatience, d’hormones tout court de la mère, crises d’égo de frères, crises de bacon de 2 ans, crises de larves de 4 ans, crises de nerfs de papa, crises d’être tanné des crises!!

Travailler de jour, de soir, voire de nuit pour rattraper le retard. Retard au travail causé par le retard sur la peinture, retard sur le magasinage, le retard à cause des crises, le retard des rendez-vous. Le retard des retards.

Se sentir complètement molle et grosse! On a beau me dire que je n’ai pas pris beaucoup de poids comparé à mes deux autres grossesses, je me sens molle, tellement molle!! Parce que le peu de fois où je ne fais rien – lire je procrastine un peu le temps de m’effouerer sur mon nerf sciatique douloureux – eh bien je n’ai pas du tout envie de me bouger le popotin. Je suis passée d’une future duathlète à une baleine qui s’affaisse sur son divan en grimaçant sur son mal de dos. PATHÉTIQUE.

Penser économies. Regarder le Publi-Sac, en entier. Vendre des choses sur Kijiji. S’inventer des talents dans toutes sortes de professions pour réparer, réutiliser, réinventer soi-même. Se coucher le soir avec le sentiment du devoir accompli quand on a réussi à sauver 30$ sur sa facture d’épicerie.

Se dire au moins une fois par jour que ce sera le dernier. La sentir bouger. Regretter ses pensées.

Avoir hâte d’aller travailler pour se “reposer”. Penser à eux toute la journée. Avoir hâte d’avoir fini de travailler pour les serrer dans nos bras.

Et je sais que vous me direz que j’ai pas fini, que je devrais demander à mon mari d’attacher ma tuque avec de la broche de ferrailleur quand la petite arrivera! 😉 Je sais que vous avez raison. Je vous répondrai quand même que je ne retournerais pas en arrière une seule seconde. La troisième bédaine n’est pas reposante, mais elle est belle pareil!