Dans la salle d’attente – Ou l’histoire anodine d’un sein bien moyen!

Il y a un an, je devais passer des tests pour la deuxième fois. J’ai écrit ce texte peu après, mais j’avais manqué de courage pour le publier… je trouvais ça égoiste d’écrire là-dessus alors que tellement de gens se battent pour leur vie. Maintenant, à un mois de m’envoler vers le Maroc pour soutenir la cause du cancer du sein, je sais que je n’ai pas le choix. Chères combattantes et survivantes, je suis avec vous.

C’est la deuxième fois que je me retrouve ici. Pour une bosse. C’est sûrement rien, mais ça peut être tellement de choses aussi… Mon regard croise celui d’une femme. Une autre blonde, à peine plus vieille que moi. Je vois dans ses yeux les mêmes doutes. Mais vite notre tête se détourne. C’est trop d’intimité pour deux étrangères. Je ne veux pas qu’elle lise trop en moi et elle pareil.

À part nous deux, celles qui nous entourent sont des femmes plus âgées. Elles ont l’air détendues, la plupart ont même un sourire aux lèvres. Elles sont sûrement là pour les dépistages “normaux”, tsé ceux qu’on a après 50 ans. Pour elles, il n’y a pas trop de stress à avoir, je soupçonne même en les voyant discuter ensemble que c’est l’occasion de faire un peu de social…

L’autre blonde est appelée. Elle se lève d’un bond. 

“Je te comprends”, que je me dis.

Sur cette chaise trop dure, je pense à mes enfants. Et au beau matin qu’on a eu. Il y avait une thématique “cheveux fous” à l’école. Ils étaient si motivés! On s’est levé plus tôt pour faire ça. Des cheveux rouges pour le grand, des bleus pour le benjamin et deux chignons pleins de brillants pour la cadette. Je pense à leurs grands sourires et ça me remplit de joie. Au même moment, ma gorge se serre. Et si je n’étais plus là…

“Arrête Véro, voyons, calme-toi! Ne pense pas à ça!”

Mon docteur m’a bien dit qu’elle n’était pas inquiète. Mais elle m’a aussi dit qu’elle voulait que je passe les examens dans le prochain mois. Pourquoi si vite?

Évidemment, j’ai pensé à toutes ces personnes malades autour de moi. Elles aussi, elles étaient dans une salle d’attente à essayer de dédramatiser. Certaines ont le même âge que moi. Et je sais très bien que quelques-unes ne peuvent plus faire autre chose que de s’accrocher à un miracle qui n’est pas encore venu.

J’ai tellement de peine pour elles. Je n’ose pas imaginer ce qu’elles ont ressenti dans cette salle d’attente, puis dans l’autre après, et encore l’autre où le verdict est tombé. Nous sommes toutes assises là, cordées comme des poulets dans un abattoir, notre existence tout à coup réduite à un simple examen.

En tant que bonne braillarde, j’ai vu mon regard s’embrouiller de larmes.

Respire Véro! Respire! T’es bien trop dramatique!

La porte s’ouvre. La radiologiste sort. Ce sera bientôt mon tour, enfin. Mais je sais que je devrai patienter encore un peu lorsque je l’entends s’adresser à son assistante:

Viendrais-tu m’aider? Je dois faire une ponction.

Ah shit, c’est l’autre blonde qui est là-dedans! Une ponction, c’est pas bon signe. Je ressens soudainement une intense solidarité envers cette femme que je ne connais même pas. Est-ce qu’elle a des enfants? Est-elle amoureuse? J’espère que ce n’est pas une rechute…

Je suis malheureuse pour elle, mais je suis contente que ce ne soit pas moi allongée sur cette table d’examen, les seins nus, une paire de mains gantée et trop froide qui me touche et quatre yeux qui regardent l’inévitable.

Mon tour est venu. La même assistante m’accueille avec un sourire. Il faut bien rester positive et calme pour les prochaines… Il faisait froid dans cette petite salle qui m’a semblé beaucoup trop grande pour une si petite bosse.

Allongée dans mon plus simple appareil, je me sens vulnérable. Depuis mes histoires d’allaitement peu fructueuses, je suis habituée à ce que des inconnues me tripotent les seins. Ça a beau être fait de façon professionnelle, me faire écraser, tapoter, tirer et échographier le sein me donne chaque fois l’impression qu’une petite partie de mon intimité est violée.

Free de boobies!” Ouin, non, pas tant!

Finalement, mon sein moyen va très bien. Une mammo, une écho et des jours de stress plus tard, ils n’ont rien vu. J’ai revu mes enfants et un grand soulagement m’a fait dire un “merci” un peu tremblotant à la radiologiste.

Tu vois? Ça servait à rien de paniquer fille.”, que je me suis dit.

C’est quand même avec le cœur lourd que je suis sortie. La femme avant moi n’a pas eu la même chance. Avant d’entrer pour mon examen, j’ai entendu bien malgré moi des petits bouts du rapport de la radiologiste à travers la porte fermée. Les nouvelles ne sont pas bonnes pour cette femme dont je ne connais rien… sauf peut-être le fait que ça aurait pu être moi.

Une femme sur huit développera un cancer du sein dans sa vie. Une sur 31 en mourra. Une de mes amies qui en est atteinte m’a dit une fois que la publicité où on voit les gens tombés par l’arrière en entendant le diagnostic était vraiment l’impression qu’on avait… La vie s’effondre devant nous.

Je ne compare en rien mes petites incertitudes aux émotions que les personnes atteintes du cancer ou de maladies graves peuvent ressentir. Simplement, quand on vit ça au moins une fois dans notre vie, on a un bref aperçu de toute la force et le courage que ça demande de se battre pour survivre. Ça donne aussi encore plus le goût de profiter de chaque instant et d’honorer la chance d’être en bonne santé.

Fait que “Go, vas vivre ta vie!”, comme je dis à la blague à mes enfants quand ils sont trop collés à mes baskets!


Octobre, c’est le mois de la sensibilisation pour le cancer du sein. Si ça te dit, fais un don!

De quoi vas-tu remplir ta vie après Covid?

Au cas où tu lirais ça dans 10 ans, c’est l’ère Covid-19 en ce moment. Tsé, la fois où on a été en confinement pendant des semaines (ce sera peut-être des mois, on en sait trop rien encore)? La fois où les écoles étaient fermées, où matante Ginette n’a pas pu s’acheter une autre paire de souliers parce que les centres d’achat étaient morts ou que Raymond n’a pas eu son meeting hebdomadaire avec ses amis bikers au Tim Hortons du coin…

Moi, en ce moment, je t’avoue que je le prendrais en deux secondes mon souper d’amoureux au resto! En fait, chaque jour, je valse entre l’envie folle de foutre mes enfants dehors et de barrer toutes les portes à jamais et celle de dormir collé tout le monde dans le salon parce que je réalise à quel point je les aime! Je devrais sans doute m’inquiéter pour ma santé mentale aux allures de bipolarité, mais je préfère nettement la thérapie par écrit!

Outre les poignées d’amour que j’engraisse avec soin et les cris de mouettes des enfants que j’ai peine à tolérer, y’a des bons moments aussi. Comme faire du spinning deux fois semaine avec mon mari (je pourrais y voir un désir de sa part de me faire dégraisser, mais je préfère croire qu’on aime simplement suer à deux), ou apprendre un nouveau mot d’anglais aux enfants chaque soir au souper.

Avouons que nos enfants n’ont jamais autant joué dehors que maintenant que leur droit de sortie est limité! Je ne les ai jamais vus aussi intéressés par les oiseaux qui sont en période de nidification, jamais ils ne s’étaient inventé une bascule avant ce fameux printemps 2020! Jamais ils n’ont autant apprécié jouer à la tague ou faire un tour de vélo.

À vrai dire, je trouvais ça triste. J’avais même honte, parfois. Je les regardais, ces enfants que j’avais bercés et chéris et je me demandais souvent pourquoi le monde avait autant changé. Un monde édulcoré, ou le selfie retouché, filtré, léché et instagrammé était devenu la voie à suivre. Je m’ennuyais des faces pleines de boue de mon enfance, des heures à jouer dans le champ en face et d’entrer dans les maisons en construction. Je me demandais bien où étaient passés les jujubes à cinq sous qu’on allait chercher en vélo et qui semblaient être un vrai trésor dans leur sac de papier brun.

Disons-le, les adultes n’avaient pas meilleure réputation! Zombies sur leur cellulaire (quoique ça, c’est pas le virus qui va tant nous aider!), plus occupés par la prochaine promotion que par voir leurs enfants grandir. Ou encore à passer des heures dans des gyms pour apprendre à bouger et mieux manger à coups de pots de pilules, alors que la nature a tout ce qu’il faut pour nous tenir en santé!   

Et Covid s’est assuré de nous rafraîchir la mémoire! Les épiceries sont fermées le dimanche, on passe pas notre temps à s’acheter des bébelles dont on n’a pas besoin. On a recommencé à cuire du bon pain maison, à faire une soupe pleine d’amour, à téléphoner à nos proches plutôt que de se texter entre deux likes sur Facebook. On a compris ce que ça veut dire le mot “gratitude” en pensant aux travailleurs de la santé dévoués et aux milliers de “commis” qui servent avec le sourire malgré le fait qu’ils aimeraient peut-être, eux aussi, apprendre un nouveau mot d’anglais à leurs enfants…

On était souvent sans saveur. Une gélatine transparente qui gonfle tout mais qui goûte rien. On gonfle l’hypothèque, le char, la piscine, l’école privée. On gonfle nos lèvres, nos pattes d’oie, nos cartes de crédit. Une vie entière gonflée d’apparences. Une grosse balloune vide.

Maintenant qu’elle a éclatée, vas-tu refaire la même chose? De quoi vas-tu remplir ta vie après Covid? Avons-nous enfin retrouvée notre humanité?

Je rêve de jardins à profusion. De voisins qui connaissent leurs noms. D’enfants qui jouent à la corde à sauter ou qui construisent des cabanes dans les arbres. Je rêve d’une terre en santé et abondante. Je rêve d’un meilleur équilibre entre le verbe être et le verbe avoir.

Nous avons finalement compris la valeur des vrais contacts humains, la chaleur d’un câlin, le bonheur d’un rire partagé, l’importance de la famille et des amis. La joie de rendre visite à grand-maman dans son centre et de l’entendre raconter ses souvenirs…

Il ne faut pas retourner comme avant. Faisons mieux. Faisons plus vrai.

L’amitié – Ou pimper ta vie avec des confettis

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Moi, depuis que j’ai des enfants (rectifions… depuis que j’en ai trois en fait), j’ai lâché prise sur bin des affaires que je considère non essentielles. Par exemple, traîner une sacoche. J’ai traîné assez longtemps un estifi de sac à couches (pis une poussette, pis une boîte à lunch de “au cas où”, pis un parc (mais juste au premier, après ils dorment n’importe où), pis des bébelles…) que maintenant que je peux avoir les mains libres, tu me verras pas avec une sacoche au dépanneur certain! Je fais même mon épicerie avec ma carte dans les poches! Encore pire, je donne les clés de l’auto à mon mari pour que LUI, il les mette dans ses poches. Overdose de mains pis de poches pleines.

Pareil pour les planchers. Ils sont lavés aux deux semaines. C’est bin en masse. Au pire, ils se feront des anticorps. Ça jamais tué personne, des anticorps. Bin honnêtement, personne est retourné de bord en rentrant chez nous encore. C’est jamais vraiment propre, mais c’est jamais vraiment sale non plus. Je focus sur le deuxième point.

Ah pis l’armoire de Tupperware! Partez-moi pas là-dessus! Un fouilli en permanence qui est quasiment devenu un havre de paix. Quand je le range enfin, je suis déstabilisée pendant une coupe de jours. Voyez-vous, c’est que c’est Monsieur mon Mari qui s’occupe du lave-vaisselle. On se l’ait jamais dit officiellement, mais c’est une loi non-écrite. Je fais de la bouffe. Il lave. Fait que, c’est lui qui garoche les plats et les couvercles. Ça fait titiller ma belle-mère chaque fois qu’elle vient faire un tour. C’est plus fort qu’elle, faut qu’elle range les restants et qu’elle lave de la vaisselle quand on la reçoit. Avant, je me sentais presque jugée, moi la procrastineuse qui l’aurait fait plus tard. Maintenant, je me dis: “gâte-toi!” Enfin bref, notre armoire l’a fait capoter. Elle donne un petit cours à son gars. Je regarde ça aller et je souris. Trois enfants, man, autres priorités.

La liste pourrait être longue. J’étais une miss perfection avant, t’aurais jamais cru à ça! Une note en bas de 90% me faisait pleurer. Je voulais battre tous les gars de ma classe au sprint. Je m’entrainais en cachette chez nous. Je les ai battus en 1re… ou en 2e… je me souviens pu de l’année, mais je me souviens de les avoir battus. Un accomplissement! L’échec n’était pas une possibilité pour petite Véro. Je voulais tout faire et le faire mieux que tout le monde. Le pire, c’est que je réussissais souvent.

J’acceptais pas non plus que quelqu’un ne m’aime pas. J’étais prête à beaucoup juste pour avoir l’impression d’être l’amie de tous. Je réalisais pas que des miss perfection, ça gosse bin du monde! Et c’est peut-être pour ça qu’à l’âge adulte, j’ai un peu lâché prise sur les amis. Ça me demandait trop d’énergie. J’avais encore l’impression que je devais être parfaite pour avoir des vrais amis. Je dis ça, mais ça vient pas d’une psychanalyse sur des années, juste des déductions de ma part, après un peu de recul. Je sais d’où ça vient maintenant, ce désir de plaire inconditionnellement… moi qui ai eu un paternel jamais vraiment satisfait. N’empêche, quand on répondait à ses attentes, ça allait correct, pour un moment. La petite Véro est donc devenue une miss perfection wannabe dans le but d’avoir la paix.

Me voilà donc prise avec ce fardeau qui n’a pas de bon sens envers l’amitié. Le nombre de fois que j’ai dit à Monsieur mon Mari: “Je me cherche pas des amis; j’ai de la misère à voir ceux que j’ai déjà!” Pour moi, l’amitié, c’était pas facile. Je me demandais toujours si j’avais dit ou fait quelque chose de pas correct si j’avais pas de nouvelles de quelqu’un pendant un bout, ou que mon dernier message était resté sans réponse.

Je voyais un peu l’amitié comme un objectif à atteindre. Et comme j’avais pas l’impression d’avoir au moins 95%, j’étais constamment persuadée que mes relations amicales étaient des échecs. Je me suis convaincue que j’étais pas douée pour ça et tant pis pour le reste!

Ça a duré des années. Au moment où mon lâcher-prise était à son apogée, la vie m’a apporté de nouvelles amitiés, vraies et solides, par-dessus quelques-unes plus durables et sincères que je chérissais. Je m’y attendais pas pentoute! J’ai même résisté un peu au début. J’étais enfin moi-même, je n’attendais pas grand-chose de personne, sinon d’avoir de bons moments. Et on m’a aimée. Avec pas de sacoche, avec des planchers jamais vraiment propres, avec une armoire de Tupperware en bordel, des garde-robes qui débordent et du linge pas plié! On m’a aimée malgré mon franc-parler, avec ma douceur et mes montées de lait aussi. On m’a aimée avec mes trois enfants, mon mari (parfois trop) intense et avec mes incompréhensions de tout ce beau monde. On m’a aimée quand je riais trop fort et aussi quand je pleurais sans pouvoir vraiment dire pourquoi.

Pas de jugement. Pas d’attentes à dépasser.

Le vent de fraîcheur que ça a eu sur moi toé chose!! J’ai réalisé que tout ce temps, j’avais tort. Que l’amitié, c’est pas compliqué. Que j’avais juste à être moi-même. Que parfois les amis vont et passent, mais que ces expériences ne meurent jamais. Que la vie est riche et qu’il faut prendre ce qui nous ait offert en redonnant ensuite le plus qu’on peut.

Photo prise par mon amie Sandra! 🙂

L’amitié, c’est danser avec un respirateur en néon et un ballon accroché après sa brassière sans se soucier du lendemain.

L’amitié, c’est partager une bouteille de vin un vendredi soir à l’écurie.

L’amitié, c’est regarder nos enfants grandir ensemble et se souvenir de la première fois qu’on a tenu ces petits êtres dans nos bras.

L’amitié, c’est un party au mois d’août pour ma fête en octobre et que personne se pose de questions.

L’amitié, c’est une soirée billard et un pique-nique dans un parc où on partage autant d’émotions que de rires.

L’amitié, c’est se rappeler de belles années d’université en chantant sur du Alanis Morrissette et en fermant encore des restos à force de trop parler 15 ans plus tard.

L’amitié, c’est un brunch du dimanche qui s’éternise et qu’on voudrait ne pas quitter.

L’amitié, c’est se comprendre d’un seul regard et rire au même moment.

L’amitié, c’est parler sans censure et pleurer sans gêne quand la vie nous tombe dessus.

L’amitié, ce sont des partys de Noël devenus des traditions à ne pas manquer.

L’amitié, c’est une passion qui nous unit si intensément qu’on ne voit pas les heures passées.

L’amitié, parfois, ça se passe de mot. C’est être là, point.

L’amitié quand on est dans la trentaine et encore plus quand on est mère, c’est précieux. Ça rend les bonbons sûrs mangeables (pour vrai, qui aime ça, des bonbons sûrs?) et ça pimp ta vie avec des confettis. Et chacune de ces amitiés a son propre rôle. Aujourd’hui, ma porte est grande ouverte pour l’amitié. Et pour la première fois, j’ai pas envie de la noter. Je veux juste la vivre.

P.S. J’utilise pas de vrais confettis dans ma vie, apportez-moi pas ça, mon poil va friser! Je tends vers le zéro déchet, mais c’est pas un prérequis pour l’amitié ça. Bref, c’est une image que j’aime. Parce que des confettis, ça en prend beaucoup pour faire son effet. Un peu comme les amis. Ça tombe bien, personne a un quota là-dessus! 😉