Si t’avais pas brisé mon coeur…

paulo coelho quote

On s’est rencontré dans l’autobus de ville, entre Montréal et St-Jean-sur-Richelieu. On venait de deux mondes totalement différents. Toi, le grand anglo charmeur, au coeur un peu volage et à l’esprit voyageur. Moi, la franco bien roulée mais non assumée, au coeur trop sensible, à l’esprit romantique, ancrée dans des valeurs traditionnelles. On s’en foutait. Je me perdais dans tes bras et tu t’abandonnais dans mes yeux verts.

Ma famille ne t’aimait pas, la tienne peinait à me comprendre. Ça n’avait pas d’importance. Ce qui comptait, c’est le monde qu’on se crééait dans notre “franglish”, dans nos chicanes aussi intenses que nos réconciliations, dans cet amour qui nous consumait totalement, nous amenait dans des chemins sinueux. On refusait d’avoir peur, on pensait peu au futur, on se contentait du présent.

Nombreuses sont les folies de jeunesse vécues en ta compagnie. Rares sont celles que je raconterai à mes enfants! 😉 On s’enivrait souvent dans l’alcool comme s’il n’y avait pas de lendemain. Chaque soir était comme le premier.

Je me souviendrai de cet été-là toute ma vie. Celui avant que la réalité nous rattrape. Je savais. Tu savais. Mais on ne voulait pas savoir. Tu m’as suppliée plusieurs fois de ne pas partir. Je ne t’ai pas écouté. Peut-être je savais déjà que notre histoire, au fond, ne se pouvait pas. Quand même, dans un ultime effort de se garder, tu m’as suivie.

Ce n’était plus nous. C’était les responsabilités, la fatigue, la routine. Tu avais besoin de t’amuser. Je voulais m’engager. Mes valeurs traditionnelles sont revenues au galop. Ton esprit voyageur et ton coeur volage ont pris le dessus. On s’est fait du mal, beaucoup de mal.

Tu es venu chercher tes “affaires” avec elle. Même si tu le niais, je savais qu’elle serait la prochaine. J’ai quand même été gentille. Il faisait chaud. Je lui ai offert un verre d’eau et lui ai dit de bien prendre soin de toi. Je vous ai regardé partir, souriants. Tu m’as laissé des électros trop cher à payer et le coeur brisé. Pendant que les larmes coulaient silencieusement sur mes joues, je t’ai envoyé une main que tu n’as pas vue. Si j’avais pu te lancer mon coeur, je l’aurais fait.

N’empêche, si t’avais pas brisé mon coeur, tu ne serais pas à l’autre bout du monde à vivre la vie dont tu as toujours rêvée. Si t’avais pas brisé mon coeur, je n’aurais jamais rencontré Maxime. Si t’avais pas brisé mon coeur, mes enfants ne seraient pas Xavier, Rémi et bébé3 en route… Si t’avais pas brisé mon coeur, j’aurais été moins forte, moins sage, moins confiante, moins heureuse. Si t’avais pas brisé mon coeur, je n’aurais jamais su qui j’étais. Si t’avais pas brisé mon coeur, je n’aurais jamais connu le vrai amour. Celui qui se construit à travers la réalité, celui qui se vit autant dans le présent que le futur. Celui pour lequel on n’a pas peur de s’imaginer vieux. Celui en qui on peut avoir confiance. Celui avec qui on rit sans jamais s’oublier. Celui avec qui on peut être soi-même, celui avec qui on peut être faible et en sortir plus fort.

Si t’avais pas brisé mon coeur, je n’aurais jamais su de quoi était fait mon bonheur.

 

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