Presque onze heures un mercredi soir et je suis encore sur mon sofa à recompter chaque foulée, à décortiquer le parcours. En fermant les yeux, j’arrive presque à ressentir le mouvement du galop. Cette année, c’est ma 20e.
En fait, ça remonte à beaucoup plus loin encore. J’avais à peine trois ans quand je me jetais sur les chevaux de calèche qu’on croisait pour leur dire bonjour. Je comprends aujourd’hui l’effroi de mes parents lorsque mes petites mains encore garnies de trous de bébé se posaient tout près des sabots de ces bêtes géantes… à leur insu. Il ne m’est pourtant jamais rien arrivé. Certains diront que c’est de la chance. Moi j’ai toujours cru que c’était plutôt comme deux âmes soeurs qui se rencontrent enfin. Ils ressentaient déjà que je les respectais.
Mon chandail me renvoit l’odeur de l’écurie et j’ai alors une pensée pour tous ces chevaux qui ont croisé ma route. Tous ces chevaux qui ont changé ma vie… qui ont rendu mon adolescence plus douce. Les vendredis soirs en leur compagnie étaient les meilleurs moments de ma semaine. Je n’avais que moi à penser. Moi et lui. C’est en atteignant le galop parfait que j’avais l’impression de voler.
“Être heureux à cheval, c’est être entre ciel et terre, à une hauteur qui n’existe pas” -Jérôme Garcin
Encore aujourd’hui, le sentiment d’être en symbiose totale avec un partenaire d’environ mille livres qui a sa propre personnalité est extrêment gratifiant. Il arrive que la chimie s’installe d’elle-même. D’autres fois, il faut la travailler. Dans tous les cas par contre, chacune des parties de mon corps doit être un heureux mélange de force et de douceur. C’est seulement lorsque j’y arrive que nous devenons une équipe invincible. C’est cet instant magique où j’ai accès à toute son allégresse, sa puissance, sa vulnérabilité et sa générosité qui fait de moi un meilleur humain.
En deux décennies, il est évident que j’ai beaucoup appris, surtout sur moi-même. Mais c’est cette année que j’ai l’impression d’être la cavalière que j’ai toujours voulu être. Le plaisir est au rendez-vous plus que jamais. Ma coach y est pour beaucoup aussi. Cinq années à me pousser toujours un peu plus loin, à ajouter du travail au plaisir et du plaisir au travail. C’est parce que tu y as cru avec tant de passion que j’y ai cru à mon tour. Tu le dis souvent, tout est dans l’attitude! 😉
Une amie m’a écrit cette citation un jour:
“Vaut mieux se perdre dans sa passion que de perdre sa passion” -St-Augustin
Je ne pourrais être plus convaincue ce soir, encore dans mes pantalons devenus des pantoufles, que j’ai trouvé la façon de me perdre dans cette passion. Comme tous les amours intenses dans une vie, il y a eu des moments de doute, quelques pauses aussi. Toujours je suis revenue à ce premier vrai et grand amour. Enfin j’ai accepté que je n’y peux rien, que j’ai besoin d’eux, qu’ils font partie de mon équilibre.
Et en fait, c’est ça que j’ai envie de partager. Parce que je crois profondément que l’être humain est fait pour vivre dans la passion, pour se laisser enivrer par ce que le monde a à lui offrir. La vie est vraiment trop courte pour se laisser guider que par la raison. Toujours je me souviendrai de la jeune fille qui passait ses vendredis soirs à l’écurie, de ces instants où il n’y avait qu’elle et lui… et une odeur de foin mélangée à celle du cuir, de la poussière et du bonheur. À la seconde où je mets le pied dans l’écurie, j’ai 11 ans à nouveau, je prends une bouffée de bonheur et je me perds… à une hauteur qui n’existe pas.
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