“Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles.”
-Oscar Wilde
J’ai grandi dans une famille dysfonctionnelle. C’est ça le terme qu’on utilise maintenant. La violence faisait partie du quotidien, omniprésente et sournoise. Une plante grimpante qui s’agrippait à chaque petit recoin de mon être. Parfois je me sentais si envahie par la colère que je me voyais crier à tue tête sans pouvoir réellement y arriver.
Toute mon enfance, on a abusé de ma gentillesse, de ma joie de vivre, de mon corps. On a essayé de détruire mon estime, on m’a répété encore et encore que je ne ferais rien, que je deviendrais obèse, que j’étais une salope…
Mais la violence n’a jamais réussi à complètement atteindre mon imagination et ma résilience. Impuissante, je me réfugiais dans ma chambre et je laissais mes pensées vagabonder. J’oubliais mon monde et imaginais plutôt mon futur. Tout m’attirait vers le bas, je continuais pourtant de viser haut.
Je réalise aujourd’hui que ce mécanisme de défense m’a bien servie…
Avant toute chose, je voulais être riche. La richesse était pour moi synonyme de liberté. Je me visualisais dans une immense maison avec des colonnes, un symbole de réussite pour moi. J’avais même trouvé une vieille photo en noir et blanc d’un maison coloniale américaine et je la gardais dans ma table de chevet!
La maison que j’imaginais était entourée d’arbres et on pouvait apercevoir des chevaux plus loin dans le pâturage. Dans mes pensées, je me penchais à la fenêtre de la cuisine et je voyais mes cinq enfants jouer dehors, un grand chien à leurs côtés.
J’étais aussi capable de voir mon mari arriver dans la grande entrée, un beau brun, parfois en complet, parfois en travailleur! Je n’ai jamais vu son visage, mais je devinais des mains un peu éraflées.
Je m’imaginais médecin, vétérinaire, ou avocate. La seule chose en laquelle j’ai toujours eu confiance était mon talent à l’école. Je savais que les études étaient une porte de sortie pour moi.
En imaginant mon futur, je souriais à la pensée que je défierais tous les pronostics de l’homme que j’ai appelé papa longtemps. L’idée de le voir défait par ma réussite me comblait.
Ce beau conte de fées a l’air exagéré, et il l’est. Je me rappelle pourtant chaque détail tellement je l’ai vu souvent, seule, sur mon lit, rêvassant à un avenir meilleur.
Évidemment, on grandit, on vieillit, et beaucoup de rêves tombent dans l’oubli. Et pourtant… j’ai récemment eu 40 ans, j’ai regardé le chemin parcouru et c’est là que j’ai réalisé…
En 2018, ma mère a finalement quitté notre bourreau. J’ai par le fait même coupé les liens avec lui et tous ceux qui l’entourent. C’est bon de pouvoir enfin être soi-même et de constater que j’ai effectivement défié ses sombres prédictions.
Je suis mariée à un beau brun, travailleur de la construction, respectueux, et drôle depuis 2010. Ses mains sont toujours un peu rugueuses. Fait cocasse, bien qu’il ne soit pas fait pour ce type de travail, il adore tous les articles de bureau! Nous ne sommes pas riches, mais nous avons une belle vie.
Nous avons eu la chance de voir naître et grandir 3 beaux enfants en bonne santé. Le manque de sommeil et les petits défis de chacun auront eu raison de ma motivation pour plus! Haha
Nous avons accueilli un beau chien gentil qui adore jouer avec les enfants il y a cinq ans déjà. Kevin est mon 4e enfant et j’exagère à peine!
Le rêve des chevaux à la maison a évolué, mais ils font toujours partie de ma vie. J’ai un cheval en demi-pension depuis bientôt 7 ans que je considère comme le mien, ma Bella. Et ce n’est pas terminé…
Je ne suis ni médecin, ni vétérinaire, ni avocate, mais mes études en Communications et ma détermination à apprendre l’anglais m’ont menée vers un poste en marketing dans une petite entreprise. Le fait de contribuer à sa croissance depuis le tout début me rend très fière.
Nous avons récemment déménagé dans une maison en campagne, avec une longue allée, et entourée d’arbres. Une grande galerie sur laquelle trône 8 colonnes en bois fait le tour de la devanture! Si je regarde par la fenêtre de la cuisine, on peut apercevoir des enfants jouer… quand ils sortent! 😉
Vous me direz que ce n’est que du hasard. C’est bien possible. Mais je crois quand même que nous avons le pouvoir de grandement influencer le cours de notre vie.
À force de viser la lune, j’ai atterri dans les étoiles, quelque part où je me sens bien et bien loin de tout ce que j’ai connu enfant.
J’accueille donc cette nouvelle décennie avec les yeux remplis de fierté, un grand sourire aux lèvres et d’autres rêves à envoyer vers la lune.